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Le terme "texte informatif" désigne un type de texte dont l'objectif dominant est celui d'apporter des connaissances. Le texte explicatif, cas particulier, est celui que l'on trouve dans les manuels, les polycopiés, les encyclopédies. S'il contient des récits, ce n'est pas seulement pour distraire le lecteur mais pour lui transmettre des informations. Ce sont ces connaissances que l'étudiant doit décoder et, éventuellement, mémoriser.
Pour en savoir davantage : Combettes 1983, Combettes 1988, Dupont...1994,Giasson 1990
Le texte informatif, apparaît dans les cours, les colonnes de nos journaux, de nos magazines, de nos encyclopédies.notes sur la presse
Plusieurs difficultés peuvent se présenter:
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Les principaux éléments qui organisent le texte sont :
1. la mise en pages (colonnes, encadrements, alignement, couleurs de fond )2. le caractère typographique :
- gras / maigre;
- romain / italique;
- minuscules, PETITES CAPITALES / MAJUSCULES,
- hauteur des caractères ; 9 points, 10 points, 12 points, 14, 18
3. le titrage ( titres, surtitres, sous-titres et intertitres)
- Un surtitre, au-dessus du titre, en caractères plus petits est souvent un titre de rubrique ou le domaine général de l'article.
- Un sous-titre peut se placer entre le titre et le chapeau dans les mêmes caractères que le surtitre. Il donne un petit élément supplémentaire, précise le titre.
- Un chapeau introduit ou résume et accroche.
- Des intertitres intercalés dans le texte structurent et relancent l'intérêt.
4. les paquets d'information (paragraphes, sections, chapitres ) et les indices d'empaquetage (alinéas, double interligne, titres, numéros, ponctuation ),
5. les connecteurs sémantiques (mots-outils ou formulations reliantes )
Sont particulièrement précieux à reconnaître :
a. les indicateurs de distanciation qui signalent
- soit le passage d'un niveau d'énonciation à un autre (l'énonciateur est l'origine des informations / il les emprunte à autrui),
- soit le passage d'une attitude d'énonciation à une autre (l'énonciateur est sûr que l'information est vraie ou fausse / il doute de l'un ou de l'autre),
b. les indicateurs d'exemple ou d'illustration,
c. les indicateurs de paraphrase ou de reformulation,
d. les indicateurs de série.
Une information est un ensemble formé par un thème (de quoi on parle) en principe connu du destinataire et son rhème (ce qu'on dit du thème) en principe, nouveau pour le destinataire. Il est important de saisir qu'une même information peut faire l'objet de diverses formulations, jamais totalement équivalentes toutefois.
Ex. :
1. Henri avait un CD, il en possède un deuxième depuis ce matin. 2. Ce matin, Henri a doublé sa collection de CD. 3. Henri a un CD de plus depuis ce matin. 4. Un nouveau CD est venu enrichir ce matin la discothèque d'Henri. 5. Encore un CD dans la discothèque d'Henri ! 6. C'est officiel, Henri a acquis un second CD ce matin.
Si l'on veut lire de façon fine et nuancée, on voit qu'il ne suffit pas de comprendre le sens des mots mais qu'il faut observer les rapports que chaque mot entretient avec les autres.
Les relations qui tissent le texte, qui l'organisent, vous sont connues, pour la plupart. Elles apparaissent déjà dans les phrases complexes. Ce qui est plus difficile dans la lecture du texte, c'est que ces relations sont exprimées de façons très variables selon les auteurs. Dans un même texte d'ailleurs, ces règles peuvent varier. Parfois même ces relations ne sont pas explicites, c'est le lecteur qui doit les découvrir.
Pour lire correctement le texte il est donc indispensable de reconnaître les différentes relations sémantiques et les multiples procédés pour les exprimer (ou les dissimuler).
1.2.2. Quelques manières d'établir ces relations.
Voici les procédés les plus couramment utilisés pour installer ces relations sémantiques.
1. Un mot-outil
- Paul s'assit parce qu'il était fatigué.
Voulez-vous atteindre le "petit catalogue" de ces mots-outils?
2. Un autre connecteur
Sa fatigue entraîna Paul à s'asseoir.3. Un signe de ponctuation
Paul était fatigué : il s'assit.4. Une construction détachée
Fatigué, Paul s'assit.5. De manière implicite
Paul était fatigué. Il s'assit.
Cet exercice à réaliser quelques fois permet de prendre conscience de l'organisation spatiale du texte.
Pour visualiser l'organisation de la page, on dessine une maquette. (Sur l'ordinateur: "aperçu avant impression").
Sur une feuille de format indiqué (souvent A4), il faut dessiner les différents blocs de textes en respectant les proportions du texte original, les alignements.
On marque les "blocs" de textes homogènes par des encadrements différents. On trouve ainsi: surtitres, titres, sous-titres, intertitres, chapeau, texte normal, photos, dessins, schémas et tableaux, légendes, notes, références, nom de l'auteur
Chaque bloc est encore divisé par des lignes horizontales pour en faire apparaître le nombre de paragraphes.
Les textes fourmillent de messages secrets proposés (imposés) à la sagacité du lecteur : référents difficiles à reconnaître, rhèmes déplacés, signification inconnue de mots, messages implicites, substituts trompeurs.
Le contenu explicite d'un énoncé est celui qui apparaît indéniablement dans l'énoncé.
Jacques Dubois est âgé de seize ans.
Un énoncé a souvent un contenu implicite donné indirectement. (Cfr. présupposés* et sous-entendus).
Monsieur, les autres élèves de 4e sont déjà en récréation. Le professeur a sous-estimé la difficulté de la question.
Le contenu implicite d'un énoncé est une information exprimée indirectement, qui doit être inférée par le destinataire.
L'anaphore aussi appelée reprise anaphorique est un procédé courant par lequel un mot fait référence à ce qui a été dit (anaphore à gauche) ou à ce qui va être dit (anaphore à droite).
L'interprétation de l'anaphore n'est possible que si l'on connaît son interprétant, référent ou antécédent. Lorsque l'anaphore renvoie à droite, le lecteur voit sa tâche compliquée puisqu'il ne dispose pas encore de la clé nécessaire à l'interprétation, le sens de la phrase est en attente.
Le terme de substitut désigne les différents mots ou groupes de mots qui peuvent en remplacer un autre que l'auteur ne souhaite pas répéter de façon identique. Les procédés de substitution les plus courants sont les suivants : pronominalisation, synonymie; hyperonymie / hyponymie, périphrase descriptive, généralisation
Comme elle avait un rendez-vous important, Danielle, se leva tôt ce matin-là. Ce jour de proclamation des résultats allait décider de l'avenir de la jeune étudiante en droit. Mademoiselle Danielle Dubarreau, appela le haut-parleur. La Châtelettaine se dirigea vers le professeur qui remit à la jeune fille son diplôme tout neuf: "Je tiens à vous féliciter pour votre résultat "
Un hyperonyme est un mot dont le sens inclut celui de plusieurs autres (appelés hyponymes).
Les mots : cabriolet, GTI, bagnole, Renault, grosse cylindrée sont tous compris, pour ne citer que ceux-là, dans l'hyperonyme : voiture.
Une paraphrase est un énoncé synonyme d'un autre.
Jean aime Louise = Louise est aimée de Jean.
Une périphrase exprime une notion qu'un seul mot pourrait désigner, par un groupe de plusieurs mots.
La périphrase permet de répéter une information sans répéter les mêmes mots. Elle est choisie pour ses vertus esthétique (plus belle, moins banale) ou rhétorique (plus efficace).
C'était l'heure tranquille où les lions vont boire (fonction esthétique) Le boucher de Bagdad (= Saddam Hussein), Le prince de Bel Air (fonction rhétorique).
Extrêmement rares sont les personnes qui peuvent prétendre connaître la signification de tous les mots des textes qu'elles lisent. Quant à nous, lecteurs ordinaires, nous butons souvent sur des mots dont le sens nous est partiellement ou totalement inconnu. Certaines techniques peuvent nous aider :
1) inférer la signification à partir du contexte.
Le contexte est l'ensemble des circonstances (une situation de vie) dans lesquelles s'insère un énoncé.
L'adolescent est un héros.
Cette phrase, isolée de son contexte, signifie que tous les adolescents sont des héros, qu'il s'agit d'une qualité propre aux personnes de cet âge.
Placée dans son contexte, le récit d'un acte de bravoure, sa portée se réduit considérablement; elle concerne désormais un seul personnage prestigieux.
2) inférer la signification à partir du cotexte.
Le cotexte est l'ensemble verbal qui entoure un mot et en conditionne le sens.
Je l'ai toujours dit : ce funambule finira par se casser la figure.
Le lecteur qui ne connaît pas le sens du mot funambule peut l'inférer à partir des mots "acrobate" et "sur son câble" utilisés quelques lignes plus loin dans le texte.
[ ] Notre acrobate a glissé sur son câble[ ]
3) inférer la signification à partir des racines, et affixes
La racine (ou radical ) est un élément de base de la formation du mot, elle est susceptible de fonctionner seule et apparaît le plus souvent dans plusieurs mots où elle désigne un même référent, un même concept.
ample, amplifier, amplificateur, amplitude, préamplificateur.
Le préfixe est un élément de formation de mot non susceptible de fonctionner seul. Il précède la racine.
préamplificateur, hypermarché, mégasoirée )
Le suffixe est un élément de formation de mot non susceptible de fonctionner seul. Il suit la racine.
amplificateur.
4) Consulter le dictionnaire.
C'est le dernier recours.
Certains procédés ont pour effet d'augmenter la densité d'informations d'un énoncé (= le rapport entre la quantité d'informations et le nombre de mots). La condensation est l'inverse de la dilution où l'on trouve un niveau élevé de redondances, de reprises.
La communication se transmet mieux si sa condensation est adaptée à certains facteurs représentés sur le schéma suivant :
Les procédés suivants augmentent la condensation
!! Ils peuvent masquer certaines informations:
nominalisations (une phrase entière est parfois transformée en groupe nominal)
Remarquez l'analogie entre la première loi de la réfraction et la première loi de la réflexion. = 1. Il y a une analogie entre ces deux lois. (information masquée) + 2 Remarquez cette analogie. Le dangereux accroissement de l'immigration devrait inciter les responsables politiques à prendre de toute urgence les mesures qui s'imposent.le thème* de la phrase présuppose que :
1. l'immigration s'accroît. (information masquée) 2. ce phénomène est dangereux. (information masquée)
constructions détachées (groupe de l'adjectif)
Fatigué, Paul s'assit. = 1. P. s'est assis. + 2 . Parce qu'il était fatigué. (information masquée)
appositions (groupes nominaux)
Conducteur débutant, il est néanmoins parvenu à éviter le danger. = 1. Il est un conducteur débutant. + 2. Donc il aurait dû déraper. (information masquée) + 3. Il est néanmoins parvenu à éviter le danger.
Remarque : la condensation peut modifier l'ordre dans lequel apparaissent les informations.
Une (2) des missions (3) de l'UNESCO est de veiller à la pureté des valeurs éthiques qui fondent (1) le sport. = 1. Certaines valeurs pures sont le fondement du sport. 2. L'UNESCO a la mission de veiller à la pureté de ces valeurs. 3. L'UNESCO a d'autres missions.
D'autres procédés (subordination, reprises, paraphrases, exemples ) réduisent la condensation et conviennent à des circonstances où l'attention du destinataire est moins forte.
présupposé et sous-entendu
Les présupposés sont des sens cachés, seconds, inhérents à l'énoncé, indépendants de l'énonciation. Le présupposé ne peut être nié par le locuteur.
Je viens de recevoir un coup de fil de mon frèreprésuppose notamment
Le dangereux accroissement de l'immigration devrait inciter les responsables politiques à prendre de toute urgence les mesures qui s'imposent.
- que j'ai le téléphone et sais m'en servir,
- que j'ai un frère et qu'il est capable de me téléphoner.
Un tel énoncé présuppose notamment :
- que l'accroissement de l'immigration est un phénomène incontestable,
- qu'il s'agit d'un phénomène dangereux de nature.
- que face à un tel phénomène certaines mesures s'imposent.
- qu'il faut agir vite.
Déceler ces présupposés, c'est la condition indispensable pour pouvoir les mettre en question:
Les sous-entendus sont des contenus implicites* dont le sens apparaît en relation avec les circonstances de l'énonciation (contexte*). Le sous-entendu peut être nié par le locuteur.
Le sens de la réponse : Je suis fatigué diffère selon la question posée:en réponse à Tu fais la vaisselle? = Veux-tu la faire à ma place?ou Je la ferai plus tard.
en réponse à De quoi souffrez-vous ? = Je manque de tonus depuis plusieurs jours.
en réponse à Tu viens au cinéma ? = Je préfère aller dormir.Dans quel contexte signifiera-t-elle : J'abandonne ou C'est normal ?
Il est important de distinguer l'essentiel d'un texte pour pouvoir le résumer en vue de le restituer (examen, par exemple) mais sans le défigurer ou l'amputer. L'essentiel c'est ce qui reste lorsqu'on a retranché l'accessoire : les reprises (répétitions, paraphrases), les amplifications, les exemples.
Distinguer l'essentiel de l'accessoire revient à savoir de quoi le texte parle (thème) et ce qu'il en dit (rhème).
Le thème est l'information connue, l'information de départ de l'énoncé, un élément connu du destinataire ou déjà évoqué dans le texte (intervalle-texte); le rhème est l'information nouvelle, le supplément d'information apporté au thème.
Dans un énoncé, c'est le rhème qui semble porter l'information nouvelle.
La maison du pêcheur (thème) est bâtie sur le versant sud de la colline (rhème). Bâtie sur le versant sud, la maison jouit d'un ensoleillement maximum.
Certaines structures permettent cependant de modifier l'ordre d'importance, la hiérarchie des informations, d'en faire passer certaines du premier au second plan :
Ainsi la passivation transforme le sujet (premier plan) en agent (second plan) ou l'efface (passif incomplet).
La police a arrêté le gangster >< Le gangster a été arrêté par la police. Le gangster a été arrêté .
L'emphase modifie l'ordre "normal" de la phrase. Ainsi:
Le conseil a voté cette loi à l'unanimitédeviendra, par exemple,
Cette résolution, le conseil l'a votée à l'unanimité.
Cette phrase "emphatique" permet de placer en "thème", en tête de phrase, à une place privilégiée un élément qui grammaticalement est secondaire (complément)
Le conseil (thème) a voté cette loi à l'unanimité (propos).
La nominalisation condense* l'énoncé. Ce procédé donne la priorité à l'action, au déterminant plutôt qu'au sujet. Cela permet parfois de soustraire certaines informations à la discussion :
Ce devoir était trop compliqué, les élèves l'ont mal réalisé. >< L'extrême complication de ce devoir a empêché les élèves de le réussir.
De phrase en phrase, la progression du texte, surtout informatif ou persuasif, se fait par addition d'un rhème* à un thème* selon quatre structures fondamentales :
(Combettes, 1988 et Dupont, 1994)
1. Progression à thème linéaire
Chaque thème est issu du rhème de la phrase précédente. Souvent il s'agit d'une partie seulement de ce rhème.
L'entrée en première candidature est obligatoirement soumise à la réussite d'un examen d'admission. L'examen d'admission aux études de candidat ingénieur civil fait partie des Lois sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires. Le programme est le même dans toutes les facultés de Sciences Appliquées belges. (Univers-Cités)
2. Progression à thème constant.
Le même thème, éventuellement repris par des substituts divers, est enrichi de plusieurs rhèmes.
A la fois compositeur et pianiste, Jean-Luc Fafchamps est fasciné par toutes les formes de la production musicale de notre temps. Il a pris part à des activités aussi diverses que la composition de musiques de scènes, la chanson française, le rock, l'improvisation collective et la musique contemporaine. Lors de cette soirée de fête, il invitera ses amis [ ] (Le VifL'Express)
3. Progression à thème éclaté
Chaque sous-thème est un élément constitutif du thème principal ("hyperthème") qui peut ne pas apparaître explicitement.
4. Progression combinée.
Dès que le texte atteint une certaine longueur, il présente le plus souvent une combinaison des trois types de progression.
Pour faciliter tant la lecture que l'écriture, il est avantageux de pouvoir se représenter quelques plans de développement typiques. Voici les plus couramment utilisés. Vous ne les retrouverez tels quels qu'exceptionnellement, ce ne sont, en effet, que des schématisations.
(d'après J. GIASSON, 1990)
Toutes les informations ne sont pas du même type. Pour la facilité, on parle de faits et d'opinions.
Un énoncé sur la vérité duquel il y a consensus, dont les interlocuteurs admettent la réalité est appelé FAIT. Ce qui est arrivé, ce qui a eu lieu, dont la réalité est indiscutable.
Je t'ai vu hier sur la Place du Marché.
Un énoncé qui représente un avis, une manière de voir les choses, de penser, de juger, une croyance est appelé OPINION.
Je trouve la musique rap peu mélodieuse.
Un fait se constate, s'impose à l'observateur. Pourtant, certains "faits" qu'on croyait établis se révèlent parfois des erreurs ainsi le massacre de Timisoara présenté comme un fait est apparu ultérieurement comme une imposture. Et inversement: l'opinion interdite de Galilée disant que la terre tourne autour du soleil est devenue un "fait" accepté par tous.
Une opinion se partage, s'argumente, se défend, se renforce. Certaines opinons sont très fiables, dignes de foi, d'autres non. (Cfr. Le texte argumenté p. )
Il y a des opinions primaires : l'énonciateur les assume à titre personnel.
Les élèves sont sympathiques. Je trouve les élèves sympathiques.
Et des opinions secondaires : l'énonciateur rapporte l'opinion d'un autre.
Madame la Ministre trouve les élèves sympathiques.
L'opinion primaire devient secondaire par le procédé de citation.
On distingue trois sortes d'opinions :
- Les rhétos organisent une boum vendredi.
- Ce sera une super soirée !
- Tu devrais venir.
L'observation (1) : la personne qui l'émet énonce un fait.
L'évaluation (2) : la personne qui l'émet communique une appréciation.
La prescription (3) : la personne qui l'émet recommande, conseille à son interlocuteur de faire quelque chose.
Parfois l'opinion est présentée comme telle au moyen d'un indicateur : je pense que, selon, d'après,
Parfois, au contraire, l'auteur efface les marques de l'opinion.
La musique rap est nulle
(= à mon avis, je pense que, dit-on, selon les spécialistes ).
L'analyse peut être encore affinée par un décodage idéologique destinée à faire apparaître les valeurs de l'auteur du texte.
L'auteur d'un texte, personne physique, n'apparaît pas toujours comme tel dans le texte. Il semble d'ailleurs qu'il ne puisse jamais le faire; sa personne, quels que soient son talent et les efforts qu'il mette en uvre, sera toujours plus riche que ce qu'en dira son discours.
Le terme énonciateur désigne la représentation, l'image fictive de l'auteur réel d'un texte. De la même façon, l'énonciataire est l'image fictive que donne le texte du destinataire réel qui n'est pas nécessairement le lecteur.
Pour rendre le texte plus authentique, et plus vivant, l'auteur insère souvent, au milieu de son propre discours, des paroles d'autrui. Ce sont les changements d'énonciateur. Parfois ce changement est signalé par un indicateur (un indice, un signal d'avertissement) de distanciation (voir p. 3) parfois non et cela complique le travail de lecture.
Début de la pageTout texte opère une médiation entre :
- un locuteur et le monde (référent): MODALISATION;
- un allocutaire et le monde (référent): TRANSPARENCE;
- un locuteur et un allocutaire : TENSION.
Donc, trois rapports que l'on peut analyser successivement :
1. La modalisation
L'étude de la modalisation consiste à analyser le texte en tant qu'il manifeste l'attitude de l'auteur par rapport à ce dont il parle. Il s'agit de voir ici comment l'auteur, en écrivant, construit le monde, comment il l'interprète, comment il le colore de sa subjectivité et de ses prises de position. Vous pouvez en trouver les marques dans les oppositions sémantiques, les termes d'évaluation, les superlatifs, les métaphores et les tournures négatives.
Les oppositions sémantiques
Le sens, la valeur d'un mot jaillit de sa différence avec les autres, il est donc signifiant de rechercher quels sont les "mots-repoussoirs" présents dans le texte.
Additions :
Il faut, à la fois, fermeté et souplesse.Choix préférentiels :
Il va de soi qu'un budget universitaire doit être plus important qu'un budget militaire.Choix exclusifs:
Ils sont les plus intéressants dans ce type de recherche, ils opposent des termes et opèrent des découpages significatifs :
Certains esprits ironiques souriront devant ce mariage princier; mais l'homme de la rue n'a pas honte d'essuyer une larme d'émotion.Vous pourrez ainsi voir apparaître les classements opérés par l'émetteur, la manière dont il oppose les personnes et les choses, les préférences qu'il énonce.
Les termes d'évaluation
En deux colonnes, classez les termes (noms, adjectifs, verbes) qui reçoivent une connotation appréciative ou dépréciative. Ces indices informent sur le système de valeurs opérant dans le texte.
Comparez : Il a terminé son devoir en un temps record. Il a expédié son devoir. Il a bâclé son devoir.Les superlatifs
Certains superlatifs (degrés de l'adjectif, mais aussi formules syntaxiques : "extrêmement", par exemple, ou le choix de termes très forts...) sont strictement objectifs et nécessaires, d'autres sont porteurs d'un investissement personnel plus accentué.
Monsieur Chancel, je n'ai jamais, dans mon existence, à aucun moment manqué de détermination. Il est vrai que j'ai horreur de la brutalité. Je ne l'admire pas, je ne la pratique pas, mais je n'ai jamais manqué de détermination. V. Giscard d'EstaingLes métaphores
Le choix d'un registre de métaphores dépend de l'imaginaire du locuteur, il est le reflet de sa vision du monde.
Comparez : Pour obtenir un résultat, il faut en payer le prix, il faut se battre, il faut se serrer la ceinture, ...
Les tournures négatives
L'ensemble des phrases négatives dessine l'idéologie dont on prétend se défendre.
Nous n'avons pas eu honte d'essuyer une larme d'émotion.2. La transparence
L'étude de la transparence consiste à analyser le texte en tant qu'il cherche à rendre accessible et vraisemblable au regard du destinataire le monde dont il parle. Il s'agit de percevoir ici par quels procédés le destinateur tente d'influencer le destinataire et de le convaincre de la vérité de ses positions à l'égard du monde. Cette recherche passe par un nouveau ratissage du texte afin d'y relever les superlatifs, les lieux d'autorité ou d'évidence, les définitions, les présupposés, les métaphores, les répétitions et la charpente du texte.
Les superlatifs
La recherche déjà entreprise pour déterminer la modalisation peut vous apporter de nouvelles informations relatives à la transparence.
Les faits sont on ne peut plus clairs.Les lieux d'autorité
Tout discours cherche à se légitimer en s'appuyant sur des fondements et en recourant à des autorités (auteurs, proverbes, statistiques, personnalités, calcul, etc.) Le choix d'un certain vocabulaire peut aussi servir à accroître la crédibilité du message.
Le personnage qui, revêtu d'une blouse blanche, nous affirme dans une séquence publicitaire que tel dentifrice est la solution définitive à tous nos problèmes dentaires, se pose en autorité scientifique afin de donner plus de poids au message publicitaire.Les lieux d'évidence
Les propositions présentées comme allant de soi, légitimes sans qu'il paraisse nécessaire d'en établir la légitimité, le sont en vertu de choix idéologiques plus ou moins explicites.
Il est clair que la hausse de l'impôt est inévitable, nous veillerons à améliorer son utilisation.Les définitions
Les définitions proposées dans un texte sont forcément partielles, le choix qu'elles impliquent peut révéler une idéologie.
Comparez :
La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort. (Bichat) La vie c'est une lutte. Bougez, courez, sautez, jouez, roulez ! ... et n'oubliez pas : le mouvement c'est la vie. (Roba) La vie est le don propre de l'artiste. (Suarès)Les présupposés
Le mécanisme de présupposition permet au locuteur de tenir pour acquises certaines informations qu'il n'a pas établies, de dire des choses sans encourir la responsabilité de les avoir dites. L'idéologie se cache donc dans le thème* et non dans le propos (le prédicat*) de l'énoncé.
La phrase "La justice a-t-elle pour fonction de compenser les inégalités naturelles ?" se fonde sur le présupposé selon lequel "il y a des inégalités naturelles".
Comparez aussi :
- Nous obtiendrons la victoire parce que nos intentions sont droites .
- La droiture de nos intentions nous donnera la victoire.
Dans cette seconde phrase, la partie soulignée est soustraite à la discussion.Les métaphores
Les métaphores ont déjà été exploitées pour caractériser la modalisation du texte. Elles donnent aussi des indications permettant de déterminer son niveau de transparence.
Notre diagnostic est sûr. Nous devons tout mettre en oeuvre pour nous opposer à l'épidémie de violence qui handicape le fonctionnement de notre société.Le choix du registre médical tend à renforcer la scientificité de l'analyse (transparence) et la droiture, la générosité de l'énonciateur (modalisation).
Les répétitions
Les thèmes, les idées, les mots répétés révèlent les valeurs et les priorités du locuteur.
La charpente du texte
Quelles sont les différentes parties du texte ? Comment s'enchaînent-elles (répétition, lien logique, opposition thématique, parallélisme de construction, disposition graphique, enchaînements rationnels ou lyriques,...) ?
Catherine T. s'installe avec Robert S. Tous deux sont au chômage. Rapidement, Robert se montre autoritaire et violent et la petite Stéphanie, qui n'a que 21 mois, devient son souffre-douleur.La phrase que nous avons soulignée tend à suggérer, par sa place, un lien implicite de cause à effet entre l'inactivité et la violence évoquée dans la phrase suivante.
3. La tension
L'étude de la tension consiste à analyser le texte en tant qu'il met en rapport un énonciateur et un destinataire. Le concept de distance peut faciliter une certaine distinction parmi les textes selon qu'ils sont plutôt d'énonciation* discursive, personnalisés; ou à tendance "historique", dans un rapport locuteur-énoncé moins étroit. Plus un texte sera distant du locuteur, plus il aura tendance à se rapprocher du récepteur (V. énonciation*). La tension peut être observée à partir d'une recherche sur le rapport de communication et sur la théorie sous-jacente de la communication.
Les rapports de communication
Comment se dessine l'énonciation , la manière dont est engagée la communication : qui parle à qui ? Quel type de communication est instaurée entre le destinateur et le destinataire ? Comment évolue-t-elle ? Quelle est la valeur des "je", "nous", "tu", "vous", "on", etc. ?
Un journal de la vente par correspondance, il fallait que nous y arrivions.Cette phrase tend à installer unilatéralement une relation de complicité entre le vendeur et le lecteur d'un prospectus publicitaire.
La théorie sous-jacente de la communication
Il est rare qu'un texte ne parle pas de lui-même, de ses objectifs, de la manière dont il a été écrit ou de la façon dont il doit être reçu. Ces moments dévoilent la conception que le locuteur se fait du langage ou le rapport de communication qu'il entend instituer.
Voici comment se justifie un texte relatant un mariage princier dans un magazine, annonçant clairement que son but n'est ni d'informer, ni de susciter la réflexion :
Le spectacle du bonheur, quel qu'il soit, fait du bien au coeur et à l'âme.
Pour réfléchir...
La perversion idéologique
La condition idéologique caractérise l'homme parlant et communiquant. Et c'est pourquoi il faut la délester du caractère infamant qui, trop souvent, lui est attribué. Mais il est vrai néanmoins que l'idéologie peut verser dans ce que nous appellerons ici ses formes "perverses".
L'idéologie se pervertit à partir du moment où elle s'occulte comme discours (système de signes qui découpe et structure d'une certaine manière la réalité) et prétend représenter adéquatement la réalité. Dans ce cas, elle se donne l'apparence du vrai et se pose comme parfaite expression du réel. En définitive, la perversion idéologique consiste à prendre l'image du réel, moulée à travers les signes, pour la réalité elle-même.
L'idéologie perverse devient instrument de domination à partir du moment où elle fait passer pour naturel un ordre établi injuste et contribue ainsi à sa reproduction, à sa permanence. Elle enferme dans des schèmes mentaux stéréotypés, inamovibles et, par là, elle obture le champ des possibles, clôture l'histoire dans la répétition.
De plus, la perversion idéologique est mortifère et source de violence. Car en identifiant le réel à ce qui est dit, elle rejette dans la marginalité tout ce qui la met en danger et ne laisse plus de jeu à la parole échangée. C'est ainsi qu'au niveau sociétaire, les fixations idéologiques, de quelque bord qu'elle soient, produisent des régimes où la circulation des paroles est sévèrement contrôlée et où, à la limite, les écarts de langage sont punis de mort.
Quitter les formules perverses de l'idéologie, c'est accepter que les mots renvoient aux mots, que les mots forment un système toujours relatif de signes, afin de pouvoir précisément signifier le monde sans le réduire à ce qui est dit, et laisser toujours ouverte la place pour la parole de l'autre.